Apprendre, comprendre, faire.
Tradition, innovation
L’architecture est une discipline rigoureuse, qui requiert des principes clairs et des démarches intelligibles. Plus qu’une profession, c’est d’abord un métier.
Pendant des siècles, les civilisations se sont attachées à transformer profondément leur environnement physique, l’espace dans lequel leur organisation sociale se déployait. L’édification et l’architecture sont devenues des pratiques collectives qui visaient à améliorer durablement les conditions d’habitat, et à représenter les institutions qui à chaque époque ont incarné les instruments du pouvoir et de la culture.
Cet héritage, en dépit de toutes les ruptures qui se sont succédées à mesure qu’apparaissaient « de nouveaux besoins, de nouveaux problèmes, de nouvelles techniques » (Adolf Loos), constitue le fond commun dans lequel l’architecture d’aujourd’hui puise sans cesse ses racines, renouvelle ses interrogations et reformule ses réponses.
Rompre et renouer
L’architecture moderne, telle qu’elle fut codifiée par ses hérauts, a voulu interrompre brutalement et radicalement cette longue tradition. Les conséquences de cette tentative furent profondes et paradoxales.
Les nouvelles formes de l’architecture, celles qui dominèrent le XX ème siècle, en excluant toutes celles qui les avaient précédées, coupa la discipline de ses racines historiques et de ses références de longue durée. Cette rupture contribua à isoler l’architecture, à la rendre étrangère au plus grand nombre, à lui conférer ainsi qu’à l’architecte, une posture élitaire et « artistique ».
Mais simultanément la modernité architecturale, aboutissement d’un long processus de maturation critique contre l’académisme et le conservatisme, fit une contribution majeure au patrimoine commun de l’architecture, l’enrichissant dans tous les domaines, constructif, formel, typologique, etc.
L’apport le plus contestable du mouvement moderne, celui dont les conséquences restent les plus graves, est d’avoir rompu les liens de l’architecture à la ville, les opposant en une sorte d’antagonisme binaire, destructeur et stérile. Voilà maintenant près de 40 ans que ce constat fut dressé et que depuis, une génération entière d’architectes s’efforce de rétablir ces relations.
Si loin, si proche
A son modeste niveau le travail de notre équipe s’inscrit dans la double préoccupations de renouer avec le temps long de la discipline architecturale, et de se situer toujours dans l’espace plus vaste qui l’environne, celui de la grande ville qui lui-même résulte de la lente sédimentation séculaire des architectures urbaines.
Les projets que notre équipe a conçu et réalisé depuis le début des années 80 répondent chaque fois aux exigences premières de l’usage et de dispositions constructives rationnelles.
L’innovation n’est pas ici l’effort gratuit et vain de produire du nouveau pour lui-même; elle s’inscrit toujours comme la plus juste réponse à une question encore peu ou mal résolue. Ces projets ne renoncent pas non plus à la réinterprétation de dispositions spatiales ou typologiques déjà éprouvées car chaque situation concrète apporte quoiqu’il arrive sa part d’impondérable, d’imprévu et d’inattendu, infléchissant et enrichissant chaque fois les solutions les plus ordinaires et les plus familières.
Car, « une architecture ne peut pas émerger sans exalter en même temps tout ce qu’elle semble dépasser » (Giorgio Grassi)
Cette approche ne saurait non plus séparer artificiellement l’héritage des architectures savantes des savoirs constructifs spontanés et vernaculaires dont la richesse ne cesse de surprendre l’observateur attentif et dépourvu d’arrogance, celui qui cherche toujours à apprendre et à comprendre de l’expérience conduite par d’autres, en d’autres temps et d’autres lieux.
Rationalité du construit, économie de la forme
L’intérêt pour les enjeux constructifs de l’architecture, sa pérennité, son potentiel d’adaptation et donc d’appropriation, constitue également l’un des principaux enjeux de nos réalisations. Dispositions constructives, temporalités et espaces architecturaux ne sont pas ici des catégories indépendantes ou pire, antagoniques. Elles s’entrelacent et se conditionnent réciproquement, engagées dans un processus dynamique de fabrication dont chaque composante s’exprime pour elle-même et participe d’une totalité plus vaste, dominée d’abord par le souci d’économie de la forme.
Comme pour le travail de projet, la pensée de ceux qui nous ont précédé est une source intarissable de questionnements nouveaux et d’assignations puissantes à affronter méthodiquement les difficultés brûlantes du monde contemporain.
Certaines d’entre-elles nous semblent particulièrement actuelles :
« L’architecture est l’expression d’un point de vue que d’autres désirent partager » (attribué à Mies van der Rohe in Giorgio Grassi « L’architecture comme métier »)
« Si nous rencontrons dans une forêt un tertre de six pieds de long, trois pieds de large, tassé avec la pelle en forme de pyramide, nous nous arrêtons et une voix grave nous dit: quelqu’un est enterré là. Voilà ce qu’est l’architecture. » (Adolf Loos in « Malgré tout »)